Ce que nous apprend la communauté OpenStreetMap

Le 1, 2 et 3 juin a eu lieu à Bordeaux les rencontres nationales autour du projet OpenStreetMap. Tango (développeur de Communecter) et moi (Tom) y étions. Ce fut d’ailleurs un moment fort puisque je suis désormais le seul de l’association à avoir rencontré Tango en chair et en os puisqu’il vit en Nouvelle-Calédonie alors qu’une bonne partie de l’équipe habite l’Île de La Réunion. C’est aussi ça le SotM : réunir des gens qui parfois ne se sont jamais rencontré physiquement.

Durant 3 jours, contributeurs, utilisateurs, représentants de collectivités et d’entreprises gravitant autour du Web et de l’information géographique, chercheurs, mais aussi personnes curieuses de découvrir cette « carte libre du monde » que représente OSM, se retrouveront pour partager leurs expériences, se tenir informé, se former, découvrir l’écosystème et les multiples applications – existantes ou à imaginer – autour d’OpenStreetMap.

Au programme : 80 présentations de 30 minutes à 2h. Autant vous dire que même à plusieurs il est difficile de tout voir. Heureusement certaines étaient filmées et sont déjà disponibles sur le PeerTube de la communauté.

Ça a commencé plutôt fort par une intervention de deux chercheurs ayant pour titre « OpenStreetMap est mort, vive OpenStreetMap !« . À travers une rapide histoire de la cartographie et divers exemples, les intervenants nous font prendre conscience que produire une carte n’est jamais neutre. Faire apparaître une zone habitée par un peuple autochtone permet de le faire exister aux yeux de tous. Encore aujourd’hui de nombreuses cartes militantes fleurissent à travers la toile. Il y a également un enjeu énorme autour de la toponymie des lieux qui a donné lieu à pas mal de controverses, notamment en Guyane. Personnellement je n’avais jamais pensé que donner le nom d’un lieu dans une certaine langue plutôt qu’une autre, ou refuser un caractère unicode puisse être l’objet de conflits avec des institutions (l’IGN en l’occurrence).

Plus tard, un utilisateur nous expliquera comment il a déplacé une frontière… par erreur :

 

Pour conclure cette belle introduction, les chercheurs mettent en évidence l’institutionnalisation d’OSM qui pourrait, si on y prend pas garde, marginaliser des visions du monde qui peuvent sembler minoritaire, mais qui sont en réalité très progressiste.

Après cette présentation collective s’en est suivi trois journées très riches. Certaines présentations étaient techniques et très liées à des problématiques de cartographes. D’autres concernaient le projet OSM, la communauté, et les interactions qui peut y avoir avec d’autres acteurs (Cartographie et Politique de la ville, la communauté OSM en Haïti, Quand la recherche travaille avec/sur OpenStreetMap…). Vincent Bergeot (co-président d’OSM France) nous a parlé de sa volonté de se mélanger à l’écosystème des biens communs :

 

D’ailleurs, une des raisons pour lesquelles nous étions présents aux SotM était qu’une table ronde a été organisée avec notre ami Sebastian de Près de chez nous au sujet de l’interopérabilité entre nos différentes bases de données. Autrement dit : comment les contributions à Communecter et à « Près de chez nous » peuvent compléter OpenStreetMap ? Ce fut très instructif, et on remercie sincèrement les personnes présentes pour leurs éclairages. Du concret devrait arriver dans les mois qui arrivent.

Toute aide est la bienvenue pour nous aider à créer du lien entre nos communs et nos communautés.

Une communauté forte de ces outils

OpenStreetMap est avant tout une base de données open data. L’écosystème d’applications qui s’est structuré pour visualiser, améliorer et alimenter cette base est assez impressionnant, voici un petit tour d’horizon.

D’abord, on peut visualiser la base de données de différentes manières. On connaît tous le rendu du logiciel Mapnik puisque c’est celui utilisé pour afficher la carte principale (openstreetmap.org). Mais, il existe plein d’autres manières de visualiser les données OSM. Voici une petite sélection de projets ré-utilisant la donnée OSM (et pas seulement le fond de carte) :

Il existe également une panoplie de services qui utilise OSM comme des GPS (OsmAnd, Maps.me).

Mais là où ça devient super intéressant, c’est la possibilité offerte par certaines applications de contribuer facilement à cette base de données. Participer à un bien commun peut s’avérer compliquer voire ennuyant, mais grâce à Jungle Bus ou StreetComplete ça devient simple et amusant. Les outils d’assurance qualité facilitent également ce travail. Ils permettent notamment de détecter automatiquement des erreurs potentielles, et d’effectuer le suivi des modifications apportées à un élément. Enfin, des logiciels permettent de cartographier collaborativement une zone ou un type d’élément de manière synchrone (lors d’une cartopartie par exemple) ou sur une plus longue période (MapCraft, MapContribPic4Review).

Pour finir, j’ai beaucoup aimé l’initiative WeeklyOSM qui publie chaque semaine un résumé de ce qui s’est passé dans la communauté.

Conclusions et perspectives pour Communecter

J’ai retiré de nombreuses leçons de cette rapide rencontre avec la communauté OSM. D’abord j’ai pris conscience, encore une fois, qu’il est illusoire de penser qu’un outil peut être neutre. Il y a une part de subjectivité rien que dans la manière dont nous présentons l’information sur une simple carte. Nous avons donc intérêt à bien réfléchir au sens que nous donnons à ce réseau social libre pour que nos choix techniques concordent avec nos valeurs. À ce sujet je vous invite à lire l’excellent article « De l’inconvénient d’être né » … connecté.

Je me rends compte également de l’importance de réfléchir non seulement à la manière dont on présente l’information, mais également comment n’importe quel individu peut potentiellement contribuer à une base de données ouverte, libre et participative telle que Communecter. Je ne pense pas qu’il soit souhaitable d’avoir autant d’outils d’intégration de données qu’OSM. Cependant nous pouvons imaginer un premier outil qui soit simple, fun, et efficace pour que nous soyons prêts le jour où on nous donne les moyens de le développer (ou qu’un pixel humain se sent prêt à le faire :p).

Le développement de l’interopérabilité entre OSM et Communecter apparaît évident. Je ne vais pas m’engager sur la partie technique car je la maîtrise assez mal, mais ça fera peut-être l’objet d’un nouvel article sur ce blog.

La communauté OpenStreetMap a les défauts de ces qualités. L’écosystème d’applications est riche, mais on ne comprend pas vers quel outil se tourner. Le wiki est foisonnant, mais il est difficile de comprendre sa structuration. La communauté est grande, mais on ne sait pas forcément où la retrouver. Prenons dès maintenant la mesure de ces problèmes. L’avantage que l’on a par rapport à OSM est que l’on est au début de notre aventure. Il est donc encore temps de corriger ce qui pourrait poser problème à l’avenir.

Dans tous les cas, je pense que nos communautés ont tout à gagner d’avoir un lieu où discuter de ces sujets. Tango et moi avons présenté Communecter à une partie du Conseil d’Administration d’OSM fraîchement élu. Nous pensons que c’est la plateforme sur laquelle les groupes locaux peuvent se retrouver, discuter, valoriser leurs projets, et s’organiser (à l’écoute de la présentation OpenStreetMap en 2050 c’est un réel besoin). Ainsi, nous espérons être aussi utile à cette communauté qu’elle l’est pour le bien commun.

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